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L’assurance responsabilité civile des entreprises industrielles ou commerciales : ses mécanismes spécifiques

L’assurance responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales (ci-après l’assurance RC) ne ressemble à aucune autre assurance destinée aux entreprises. Ses mécanismes, ses définitions, …   sont différents.

Notons tout d’abord qu’à l’exception de quelques cas prévus par le Code des assurances (les professions du tourisme par exemple) cette assurance n’est pas obligatoire. Elle est, néanmoins, fortement recommandée et une société qui ferait l’impasse sur cette couverture « vivrait dangereusement ». La conséquence est la liberté totale de rédaction des assureurs sauf un éventuel contrôle de la commission des clauses abusives. Toutefois, certaines définitions s’imposent à l’assureur.

Pour toutes ces raisons nous allons tenter, dans un paragraphe liminaire, de fixer un certain nombre de définitions afin de « parler le même langage » puis nous répondrons aux questions suivantes :

1-    Quelle est la date d’un sinistre RCAL ? (Application dans le temps)

2-    Quelle territorialité doit être retenue ? (Application dans l’espace)

3-    Quels sont les dommages qui doivent être garantis et quelles définitions leur donner ?

4-    Qu’est-ce que la garantie des « objets confiés » ?

5-    Qu’est que la garantie des « frais de retrait » ?

6-    Qu’est-ce que la garantie des « frais de dépose-repose » ?

7-    Comment fonctionnent les montants de garantie ? Quelles limites prévoir ?

 

Quelques définitions :


Conditions Générales (CG) : document qui regroupe les principales dispositions du Code des Assurances (obligations de l’Assureur, obligations de l’Assuré, exclusions générales, …)

Conventions Spéciales (CS) : document qui définit les garanties souscrites (définitions et exclusions techniques)

Conventions (ou Conditions) Particulières (CP) : Document qui regroupe tous les éléments variables du contrat d’assurance (Nom de’ l’assureur, de l’assuré, montant des garanties, montant des franchises, échéance, montant de la prime, …)

Parfois les Conditions Générales et les Conventions Spéciales sont un seul et même document.

Responsabilité civile exploitation (RCE) : responsabilité qui peut incomber à l’assuré pendant son activité. L’assuré travaille, fait travailler des équipes, se déplace, peut travailler chez des clients, utilise des engins, tout cela est générateur de risques … La livraison fait partie de la RC Exploitation.

Responsabilité civile après livraison (RCAL) ou du fait des produits : responsabilité qui peut incomber à l’assuré du fait d’un défaut du produit.

Ce sont donc deux responsabilités très différentes.

Exemple :

Un laboratoire pharmaceutique :

  • RCE, il fabrique des médicaments (« il mélange de l’eau et du sucre ») activité peu génératrice de risque.
  • RCAL, il met sur le Marché des médicaments qui parfois, mal dosés par exemple, génèrent un risque majeur.

Responsabilité civile professionnelle (RCP) : responsabilité qui peut incomber à l’assuré du fait d’une prestation intellectuelle non suivie de réalisation.

Exemple :

Une entreprise fait les plans d’un appareil électro-ménager -> RCE puis RCP

Une autre entreprise les fabrique -> RCE puis RCAL

 

1-   Quelle est la date d’un sinistre RCAL ?


La plupart du temps la date du sinistre est évidente. Ainsi la date d’un sinistre automobile est la date de la collision ou du versement du véhicule. En matière d’assurance de personnes la date d’un décès est simple à établir sauf hypothèse de disparition. Même simplicité pour un sinistre « incendie ».

Au pire, lorsque le sinistre survient sans témoin, on dira qu’il est survenu entre telle et telle heure ce qui, dans l’immensité des cas, n’entraînera aucune différence

Pour représenter les difficultés inhérentes aux sinistres RCAL, nous proposons d’illustrer notre raisonnement de la façon suivante :

ABC est une entreprise spécialisée dans la fabrication et l’installation d’arrosage automatique de parcs, jardins, …

  • Courant du second semestre 2022 il a fabriqué le matériel nécessaire
  • En février 2023 il a procédé à l’installation et livré le 1er mars 23
  •  Le 15 novembre 2023 un tuyau principal enterré à 1 mètre sous terre se rompt provoquant des fuites en sous-sol non visibles en surface car il pleut depuis des semaines à Lyon (histoire vraie !)
  • Le 18 janvier 2024 le propriétaire du parc constate qu’il est victime d’un sinistre
  • Le 1er avril 2024 il adresse une LRAR à ABC l’enjoignant de procéder aux réparations et de l’indemniser de son préjudice (perte d’eau, périssement d’essences rares, …).

Quelle date de sinistre va être retenue par l’Assureur RCAL ?

Cinq dates sont possibles et un assureur sans contraintes légale, réglementaire ou autre serait fondé à rédiger un contrat d’assurance RC sur une de ces 5 bases. A noter que les 2 premières se confondent car, si l’erreur d’un fabricant se si situe toujours pendant la fabrication, il ne génère un risque qu’une fois que le produit est mis en circulation c’est-à-dire après la livraison.

Après de nombreuses discussions devant les tribunaux et devant la Cour de Cassation la Loi Sécurité Financière du 1er août 2003, appelée également Loi Mer (du nom de Francis Mer, Ministre des Finances en poste) reconnaissait la « base fait dommageable » et la « base réclamation », interdisant tout autre élément déclenchant la garantie (survenance et connaissance).

En France, la quasi-totalité des assurances RC sont rédigées en base réclamation. Seuls quelques contrats français dont la maison-mère est située dans un pays scandinave sont rédigés en « base fait dommageable » 

Notre entreprise ABC se trouve donc dans la situation « base réclamation » et la date du sinistre est le 1er avril 2024.

C’est donc l’assureur RCAL au 1er avril 2024 qui va prendre en charge ce sinistre.

Pour éviter des « trous » de garantie la Loi Sécurité Financière a complété son dispositif en imposant deux extensions aux assureurs :

  • La reprise du passé inconnu

Sans limite dans le temps les assureurs doivent prendre en charge les sinistres objet d’une réclamation postérieure à la prise d’effet du contrat pour toutes les fabrications ou prestations antérieures.

Conseil aux assurés : il s’agit du passé inconnu. A contrario les sinistres connus doivent être déclarés à l’ancien assureur. Même une simple suspicion de sinistre (vous avez connaissance du mécontentement d’un client mais il n’a pas formulé de réclamation, pas encore !) doit être déclarée à l’ancien assureur.

A défaut ce type de sinistre sera rejeté par les 2 assureurs, l’ancien pour déclaration tardive, le nouveau pour sinistre antérieur à la prise d’effet.

  • La garantie subséquente

La garantie RCAL est maintenue pendant 5 ans pour toute réclamation postérieure à la résiliation et correspondant à une activité antérieure. Elle est portée à 10 ans pour les professions juridiques ou judiciaires.

 

2-   Quelle territorialité doit être retenue ?

 

Assurance RCE : il est généralement prévu une clause de type « France métropolitaine, France des outre-mer, Monaco, … » lorsque l’assuré n’est pas implanté à l’étranger. Si l’assuré est implanté à l’étranger plusieurs cas de figures peuvent se présenter :

  • Implantation dans un pays de l’Union Européenne
  • Implantation hors U.E. dans un pays qui reconnait la validité d’une assurance en dehors de ses frontières
  • Implantation hors U.E. dans un pays qui ne reconnait pas la validité d’une assurance en dehors de ses frontières.

Il appartiendra au Conseil de l’Assuré de mettre en place un contrat en Libre Prestation de Service ou un Programme International d’Assurance adapté à sa situation. Chaque situation est différente et li n’est pas possible ici de développer plus longuement ce sujet.

 Assurance RCAL : rappelons que nous assurons des produits fabriqués par l’assuré et non plus une activité. Ces produits vont circuler.

Deux clauses coexistent sur le Marché :

Monde entier sauf USA-Canada

Dans ce cas le risque Nord-américain est exclu lorsque l’assuré procède à des exportations directes dans ces pays. Toutes les autres hypothèses de sinistre survenant sur ces territoires sont couvertes.

Monde entier y compris USA-Canada

Une clause dîtes « Nord-américaine » va garantir les exportations directes aux USA-Canada avec un nombre important de restrictions ou d’exclusions : montants des garanties et des franchises spécifiques, définitions restrictives, …


3-   Quels sont les dommages qui doivent être garantis et quelles définitions leur donner ?

Les dommages peuvent être corporels, matériels ou immatériels. Un contrat d’assurance RC doit couvrir ces 3 types de dommages. Tous les assureurs ont, à peu près, la même définition des dommages corporels : « atteinte à l’intégrité physique d’un individu ainsi que les préjudices qui en découlent ».

En revanche, les définitions « matériels » et « immatériels » doivent faire l’objet d’une attention particulière. Rappelons que le caractère facultatif de l’assurance RC permet à l’assureur de rédiger comme il l’entend.

Pour les dommages matériels la liste des circonstances assurables doit être la plus complète possible : destruction, détérioration, altération, disparition, pertes, vol, …

Pour les dommages immatériels le Marché propose plusieurs solutions dont une énumération d’évènements : privation de jouissance, arrêt d’une chaine de traitement, … Ce n’est pas la meilleure solution car les oublis sont inévitables. La solution la plus efficace est la définition par différence : « est un dommage immatériel tout dommage qui n’est ni corporel, ni matériel ».

Cette solution est imparable et tout sinistre sera obligatoirement classé dans une des 3 catégories. Ajoutons qu’un sinistre matériel, « au sens du Petit Larousse », mal défini comme tel, serait a minima classé comme « sinistre immatériel ». Il serait donc impossible d’avoir un « trou dans la raquette ».

Les dommages immatériels présentent la particularité d’être, soit consécutifs à un dommage matériel, soit non consécutifs. Ces derniers (les fameux « DINC ») sont également nommés « Dommages immatériels purs ». Parfois très difficiles à imaginer lors de la souscription d’un risque ils sont redoutés des assureurs et font l’objet de sous- limitation de garantie tant en RCE qu’en RCAL et RCP.


4-   Qu’est-ce que la garantie des objets confiés ?


Il y a presqu’autant de définitions que d’assureurs qui pratiquent l’assurance RC !

Cette garantie, sous-limite de la RCE, correspond à 2 situations :

-         L’assuré travaille chez un client

Prenons l’exemple d’une entreprise de nettoyage. Que lui est-il confié ? L’immeuble dans lequel son client dispose de locaux ? les locaux de son client ? le bureau dans lequel elle est en train d’exercer son activité ? l’imprimante qu’elle est en train de déplacer ?

Lorsque l’on souscrit une couverture « objets confié » on « achète de la garantie à l’assureur » et, plus la garantie est élevée, plus la prime est chère. Autrement dit, plus la définition de l’objet confié est restrictive moins la prime est chère et c’est donc la seule imprimante qu’il faut considérer comme objet confié. Dans l’hypothèse où existeraient d’autres dommages (par exemple aux locaux) cette partie du sinistre serait pris en charge au titre de la RCE dommages matériels.

Définition recommandée : « Est un objet confié, la seule partie de l’objet endommagé sur lequel l’assuré était en train d’exercer son activité professionnelle au moment du sinistre.

-         L’assuré travaille dans ses locaux

Un client lui a remis 20 plaques métalliques à transformer. Il endommage l’une d’elles. C’est un sinistre « objet confié » qui sera réglé comme l’imprimante du cas précédent.

Si les 19 autres plaques sont endommagées par un autre évènement (incendie per exemple) nous parlerons de « garde passive » et ce sinistre sera réglé par la police « dommages aux biens ».

 

5-   Qu’est-ce que la garantie « frais de retrait » ?


Un fabricant de boissons gazeuses reçoit une réclamation d’un client qui a été malade après avoir consommé l’un des produits. Le jour suivant il reçoit 2 réclamations pour la même cause, puis une 4ème, …

Enquête rapide, les 4 canettes proviennent d’un même lot de fabrication (500 00 canettes).

Il faut retirer tout le lot du Marché. C’est le fabricant qui prend la décision de retrait. Il s’agit donc d’un « retrait par l’Assuré », assurance de dommages qui, pour être acquise, doit avoir été souscrite sous forme d’une extension au contrat RC.

Aujourd’hui l’annexe « frais de retrait par l’Assuré » peut jouer :

  • Quelle que soit la nature ou la menace des dommages (corporels, matériels ou immatériels)
  • Quelle que soit la nature des frais (identification, localisation, retrait proprement-dit, destruction, …etc.)
  • Quel que soit l’élément déclenchant (autorité administrative ou judiciaire, assureur, assuré en cas d’urgence).

Lorsque le retrait est diligenté par un tiers c’est le poste de garantie « dommages immatériels non consécutifs » de la RCAL qui joue.

6-   Qu’est-ce que la garantie des frais de dépose-repose ?


Un sous-traitant de l’industrie automobile fabrique 800 000 capteurs pour un grand constructeur automobile européen. Plusieurs pannes identiques alertent le sous-traitant et le constructeur. Les 800 000 capteurs sont défectueux. Ils sont montés sur les automobiles et on ne peut plus parler de retrait.

Il faut :

  • Déposer le capteur défectueux
  • Reposer un capteur en bon état

Le constructeur déclenche une procédure de rappel auprès de ses clients concernés.

Coût 100 € X 800 000 = 80 000 000 €

 Comme pour les frais de retrait il existe une garantie :

  • Frais de dépose-repose Assuré -> garantie de dommage en extension de l’assurance RCAL
  • Frais de dépose-repose Tiers (en réalité « dommages immatériels non consécutifs »)      

 

7-   Comment fonctionnent les montants de garanties ?

Quelles limites prévoir ?

Les montants des garanties sont présentés dans un tableau qui figure dans les conditions particulières.

Les risques de RCE sont exprimé par sinistre alors que les risques de RCAL sont exprimés par année d’assurance.

Deux exceptions qui concernent des sinistres RCE :

  • Les sinistres « environnement »
  • Les sinistres « faute inexcusable de l’employeur »

sont couverts par année d’assurance.

Ces deux postes ne sont pas abordés dans ce développement car ce sont deux sujets qui feront l’objet ultérieurement d’une présentation individualisée sur ce site.

L’idée générale concernant la fixation des montants de garanties est la difficulté voire l’impossibilité d’avoir la certitude que les montants sont suffisants car en France les responsabilités sont illimitées alors que les montants des garanties sont toujours limités.

Bien sûr il existe des standards tels qu’une « garantie tous dommages confondus » de 10 millions d’€ en RCE mais dans notre matière les cas particuliers sont très nombreux voire majoritaire.

L’entreprise prudente s’adressera donc à un courtier alliant compétence et expérience.